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23 août 2015

Le carnaval des hyènes de Michaël Mention

lecarnavaldeshyenes

LE CARNAVAL DES HYENES  de Michael MENTION
Editions Ombres Noires
8 juillet 2015
224 pages

Carl Belmeyer est une figure emblématique du PAF. Présentateur du JT depuis plus de trente ans, il dissimule derrière son sourire une personnalité mégalomane. Manipulateur, il méprise tout le monde, à commencer par son public qui l'adore. Lorsque sa chaîne se retrouve au coeur d'un scandale sans précédent, il est envoyé en Afrique en vue de couvrir une guerre civile. Objectif : redorer l'image de la chaîne pour détourner l'attention des médias concurrents et de l'opinion publique. 

Le conflit au Libéria contraint Carl à regarder une réalité qu'il a trop souvent méprisée. Terrorisme, complot, violence... la vie de Belmeyer se joue en coulisses jusqu'au déclin.

Depuis Sale temps pour le pays*, je suis de manière assidue le travail de ce jeune auteur qui s’est désormais fait un nom parmi le petit monde du polar hexagonal.
Désormais, il est loin le temps où il officiait  comme vendeur chez MK2. Pour lui l’écriture c’est comme d’écouter ses centaines de Cds, d’une certaine manière c’est vital.

Michael Mention est un gourmand, un touche à tout  et une fois encore il aborde un sujet totalement différent de ceux présentés dans ses précédents ouvrages.
J’ai lu un papier comme quoi ce livre dont nous allons aborder tout de go, est considéré comme étant son meilleur ouvrage. Je n’irais pas jusque là.
Mais à coup sûr son meilleur est à venir car son travail progresse et il abandonne le style  descriptif au profit du narratif en n’hésitant pas à donner des points de vue personnels quitte à égratigner quelques têtes au passage car ce roman est une fiction dans un contexte très contemporain.
Les acteurs de ce livre sont tantôt masqués et tantôt naviguent à ciel ouvert. Ecrit à la première personne, renforçant la personnalité et le cynisme de l’héroïne. Le nommé Carl Meyer.

Carl Meyer c’est un peu le Brian Williams** français aux manettes du JT d’une célèbre et importante chaîne de télévision depuis de nombreuses années. A la fois populaire et orgueilleux, Carl Meyer est un homme fort du PAF, il le sait bien et profite de sa notoriété pour asseoir ses privilèges et ses caprices au sein de son petit gotha environnant. Commentateur sans scrupules, mégalo et manipulateur il en deviendra malgré lui un instrument lorsqu’un accident de parcours dans la grande tour dorée audiovisuelle  survint : La jeune  Barbara quitte le monde des vivants lors d’une émission idiote de téléréalité...
Une sacrée bévue pour la « maison ».  Jusqu’où pousse-t-on la stupidité dans ce genre de « prime » ? L’audimat, nerf de la guerre autorise à profusion de faire du grand n’importe quoi.  Pour la chaîne il faut absolument faire oublier cet accident de la Villa Party. Carl Meyer est donc dépêché dans un pays où la guerre civile fait rage afin de filmer et documenter un reportage pour détourner l’attention des téléspectateurs.

Fini les ascenseurs aux faux sourires et aux têtes baissées. Fini les maquilleuses et les assistants dégrossissant le boulot tels des scribes présidentiels Fini les briefings à la va vite d’avant JT dans les strates des bureaux de la station de télévision. Le Libéria t’accueille Carl Meyer ! Et d’une manière dont tu ne l’attends pas !
Les tapis rouges de la « maison » le deviennent de sang dans ce pays où la corruption, la barbarie et les magouilles font bon ménage. Une cave t’attend et remplacera ton somptueux bureau, tes nombreux contacts dans le milieu du showbiz et de la politique seront remplacés par des geôliers  aux gros  bras et armés jusqu’aux incisives. Toi le mégalo, le cynique, l’odieux, tu deviens instrumentalisé à ton tour.

Monrovia t’invite !

Te plains pas Sarah, ton ex ne sera pas loin de tes côtelettes... Mais quel rôle joue t’elle au fait ?

D’accord , tu es séquestré mais tu n’es pas seul, les caméras çà te connaît ! Tu es épié H24, qui sait ? Et puis tu feras une petite vidéo sous le joug de tes ravisseurs, de ce qu’ils attendent en échange de ta  libération. . Pour sauver ta peau faudra trouver et traquer le « Chat ».
Oui, tu te rappelles ? Celui que tu avais à peine énoncé dans l’une de tes grand-messes. Ton JT. Un des hommes les plus dangereux de la planète, tueur et mercenaire, j’ai nommé le serbe Emir Zarkan.

Bon courage Carl. Et on t’en souhaite !

C’est plus la même téloche là, désormais tu y es bien passé…. de l’autre côté !

Ce roman tonique se révèle être à la fois une satyre sur la télévision actuelle auréolée de son pouvoir et de la décadence de ses programmes, croisé d’un polar emmené activement toquant au passage les politiques, les systèmes en place depuis Paris jusqu’en Russie en passant par le Libéria en n’évinçant pas le terrorisme et les trafics.
L’ouvrage est ponctué de nombreux dialogues et comme souligné plus haut, le fait qu’il soit écrit à la première personne confère une réelle profondeur au personnage charnière.

Le livre est court et se lit relativement vite.

C’est le livre le plus politique de l’auteur, sans qu’il en fasse de trop. Cela aurait certainement altéré la publication le cas contraire.
L’énigme m’a un peu  tarabusqué l’esprit mais dans l’ensemble le travail est correct et change totalement de ce que nous avait proposé jusqu’alors Michael Mention.

A mon humble avis c’est son roman le plus abouti.

Nous attendrons donc chers lecteurs de CCBDL son prochain avec impatience. Affaire à suivre chez Rivages Noir avec le 3ème volet de la trilogie du Yorkshire. En attendant je vous laisse découvrir ce Carnaval des hyènes.

Bonne lecture.

Bruno.

 

 

  • * Sale temps pour le pays est le premier volet d’une trilogie sur un tueur qui sévissait dans le Yorkshire. (Rivages Noir). Le sujet avait déjà été traité par l’éminent écrivain anglais David Peace. Michael Mention à sa manière revisite l’histoire vraie de ce tueur en série. (3ème tome à paraître)
  • **  Brian Williams est un célèbre présentateur de JT américain depuis une douzaine d’années, qui officie sur NBC. Ce dernier a été lui-même au cœur d’une duperie : (http://tempsreel.nouvelobs.com/monde/20150211.OBS2202/la-chute-de-brian-williams-vedette-de-nbc-emporte-par-ses-histoires.html

Extraits :

«  Bronzé, cravaté et rasé de près, j'ai lancé mon 7 326° JT. Moi, Carl Belmeyer – 61 ans, Monsieur Loyal de l'info bleu-blanc-rouge. Ma demi-heure de gloire quotidienne sous vos yeux captivés. Gicquel avait sa voix, Mourousi son franc-parler. Delahousse sa mèche. À chacun son atout et le mien, c'est moi. Tout simplement.

Ce soir encore, je vais assurer et ça fait trois décennies que ça dure. Trente ans que je dîne avec des stars, que je digère avec des présidents normaux et anormaux. Trente longues années que je brille au milieu des Elkabach, Denisot, Ardisson...une caste sans laquelle je ne serais pas devenu l'idole que je suis aujourd'hui, payée 75 000 euros par mois avec une prime annuelle de 250 000. Un boss qu'on lèche et qu'on redoute car mon seul ami, c'est le pouvoir.
« Hollande, le sauveur », c'est moi
« Mélenchon, le révolutionnaire », c'est encore moi.
« Hollande, le traître », c'est toujours moi.
Tous les soirs, je refais le monde à ma manière. Vous le savez, mais il est trop tard : vous m'avez ouvert depuis longtemps votre salon, votre intimité, votre cerveau. Et maintenant, je suis votre tumeur attitrée. Concentré sur le prompteur, je simule un sourire chaleureux : »

« Depuis la mort de Barbara, ils se disputent son cadavre dans l'espoir de se refaire une vertu. On vire du Rom, on taxe du retraité et on casse du chômeur mais on condamne la "télé-poubelle" au nom de la dignité. »

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Commentaires
A
Son roman le plus abouti : alors je prends !
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T
J'ai lu Adieu demain de cet auteur, livre que j'ai beaucoup apprécié.
Répondre
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