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18 mars 2022

Le Musée national de Diane Mazloum

lemuseenational

Le Musée national de Diane Mazloum
Stock
Collection "Ma nuit au musée"
En librairie depuis le 16 Mars 2022
180 pages, 18 €

Quelle idée d’aller passer une nuit de décembre 2020 dans ce musée-là !
 
Le Musée National de Beyrouth se situe sur la ligne de démarcation qui fut la frontière visible, meurtrière, dite « la ligne verte » par la luxuriance de la végétation, entre Beyrouth-Est et Beyrouth-Ouest, tout au long de la guerre civile, laquelle dura 15 ans, si l’on admet même que la guerre est aujourd’hui achevée.
 
Diane Mazloum est une  romancière qui aime l’imagination et le passé récent. Elle n’aurait sans doute pas dû se frotter à la matière historique, sédimentée, confetti d’empires disparus, qui veille sous les murs et s’agrippe aux cryptes du seul musée qui fait office de mémoire au Liban.
 
Musée d’une nation ou de l’absence d’une nation ? 
 
Par quel miracle ce temple qui abrite les trésors des civilisations disparues, des Égyptiens aux Babyloniens, des Byzantins aux Mamelouks, a-t-il pu survivre aux assauts de la brutalité des hommes ? 
 
Ici, c’est un franc-tireur qui creusa un trou dans le mur pour y viser le passant dont la tête éclatera. Là, ce sont les soldats israéliens qui se réchauffèrent à un brasier aux pieds noircis du Colosse. Ici, c’est une statuette en équilibre que le souffle de l’explosion du 4 août 2020 a fait dévier de son axe ? Là, ce sont les 31 statues aux yeux tournés vers l’intérieur qui semblent plus vivantes que les vivants du dehors ? 
 
La romancière n’aime pas le passé lointain. Mais elle se rend compte, dans cet émouvant récit griffé de vérités, que de Rome à Beyrouth, c’est le passé qui fait le présent, c’est l’ombre des morts qui recouvre la pauvre existence des vivants et l’illumine. 
 
«Le Liban est celui à qui l’avenir arrive le premier» écrit Dominique Eddé. 
 
Alors, si cette phrase est vraie, cette nuit au musée, une nuit qui s’étend jusqu’au jour, sera peut-être le livre que la romancière ne voulait pas écrire sur la fin de nos civilisations. Mais qui s’est imposé à elle.
Lorsqu'il est proposé à Diane Mazloum de passer une nuit dans un musée, il lui est naturel de choisir le Musée national de Beyrouth.... parce que le Liban est son pays, bien qu'elle soit née à Paris et élevée à Rome... parce que ses parents, qui se sont exilés dans les années 70, ont cultivés et transmis la nostalgie d'un Liban libre et flamboyant.
"Il n'y a pas un jour à Rome où le Liban n'a pas été présente par son absence."
Diane Mazloum, en acceptant cette expérience, pense pouvoir (re)traverser l'histoire du Liban, peut-être de la réappropriée aussi... Mais, doucement, au fil des heures, et de la nostalgie de son histoire familiale qui ressurgit brutalement, c'est surtout la constatation d'un immense gâchis qui la surprend.
Ainsi, au fil des pages, petit à petit, l'auteur revisite l'histoire contemporaine de ce pays qui est le sien bien qu'elle l'ai peu habité. Et c'est alors le constat qu'elle se redécouvre elle, dans tous les liens qu'elle a tissé avec son pays d'origine, de toute l'image idéalisée qu'elle a construit pour, petit à petit, laisser monter une colère sourde quant à ce qu'est devenu "son" Liban trop longtemps martyrisé par la guerre civile et la corruption.
Mais même si le constat est un peu amer, l'écriture fine, poétique, douce de Diane Mazloum promène le lecteur dans le Beyrouth de son enfance... une ville colorée, aux odeurs d'épices, bruyante qui semble bordélique mais qui, au final, est un grand cocon doux, soyeux et protecteur.

Un épisode de Ma nuit au musée qui, une fois de plus, embarque le lecteur dans un univers, un monde et surtout, une histoire intime, intense et pudique à la fois.
Le Musée national de Diane Mazloum peut sembler nostalgique, triste, courroucé, il est avant tout une très joli balade dans une ville fascinante et spectaculaire.
Une lecture riche, forte, sensible et intense !
La première phrase :
"J'ai rendez-vous au musée avec moi-même."

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