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4 mars 2015

Marche de nuit sans lune d'Abdel Hafed Benotman

marchedenuitsanslune

MARCHE DE NUIT SANS LUNE d’Abdel Hafed Benotman
Rivages Noir n° 676
Février 2008
256 pages

Dan est incarcéré à Fleury-Mérogis. Au cours d'un transfert au palais de justice, il fait une rencontre qui va changer sa vie. La rencontre, ce " miracle de la reconnaissance ", c'est Nadine N'goma, détenue à la maison d'arrêt des femmes. Dan a eu le temps de noter sur sa main le numéro d'écrou de la jeune femme. Il lui écrira par le " courrier intérieur ". Nadine était douée pour le chant et la danse, malheureusement elle a croisé un mauvais génie. A cause de lui, elle a été arrêtée, laissant derrière elle un petit Lou. Alors Dan fait une promesse solennelle à Nadine : quand il sortira, il s'occupera d'elle et de son fils ; il fera des démarches pour qu'elle ne soit pas expulsée. Mais les choses ne vont pas tourner comme prévu...
Ecrit en prison, ce roman nous parle de ces lieux hors du monde, de cette " population carcérale ", dont on oublie qu'elle est constituée d'êtres humains. Avec
Marche de nuit sans lune, Hafed Benotman poursuit son œuvre de romancier noir, de rebelle écorché devant l'injustice des systèmes, de satiriste grinçant et de poète au style fulgurant.

* 21 février 2015. Consternation sur la Toile. Au lendemain de la mort brutale de l’auteur, de l’ami des fondus de polars, les témoignages, photos et articles poignants envahissent l’espace de l’internet.

* 15 juin 2013. Lors du Salon Polar à la Plage du Havre, je rencontre Abdel-Hafed Benotman, on discute une quinzaine de minutes autour de ses livres ! Sa gentillesse naturelle et communicative m’a subjugué. La passion pour ses livres aussi. Il a été surpris quand je lui ai demandé de me conseiller un de ses romans puis a choisi  Marche de nuit sans lune en me livrant méticuleusement et avec passion la trame de son roman. Inoubliable !

* 04 mars 2015. Je franchis le pas. File dans ma bibliothèque, prend le bouquin dédicacé et me décide à le lire. En voici un court résumé, c’est un peu ma façon de lui rendre hommage.

Daniel se retrouve en cellule de prison comme n’importe quel délinquant à travers l’hexagone sauf que le destin lui a fait croiser intempestivement lors de son transfert à Fleury Mérogis Nadine N’ Goma. Beauté noire aux formes impeccables se rendant forcée dans les geôles de la MAF*. Echange de regards, échange de numéro d’écrous, puis échange de courriers. Et c’est là que leur rencontre devient au fil des écrits, idyllique. Dan c’est plutôt la prose et le coeur dans l’écriture, Nadine c’est plutôt le cœur tout court. Son passé ne lui ayant pas laissé le loisir de faire mieux, mais en prison contre quelques menus services rendus, une collègue peut aisément vous aider.

Les échanges par le courrier intérieur permettent aussi de mieux se connaître et Dan affirme son anticonformisme en refusant certains principes communautaires locaux. Ce qui lui vaudra évidemment des ennuis. Mais qu’à cela ne tienne, Dan voit poindre enfin la date de sa libération aux dépends de sa compagne qui devra, elle, encore patienter un bon bout de temps dans la boîte ** de la banlieue parisienne.  Connaissant désormais bien la vie de Nadine il lui fait la promesse de l’attendre au-dehors, de s’occuper d’elle, de son fils et de régulariser leur situation.

Au-dehors et de par le contact des proches de Nadine il s’agira d’un déroulement imprévu dans l’ordre des événements. Dan y verra un peu plus clair dans les raisons d’enfermement de l’élue de son cœur. Un flic ripoux limite esclavagiste lui en fait voir des vertes et des pas mûres à la belle gabonaise ! Avant de respecter sa première promesse, il en profilera une autre en urgence et elle sera solennelle : Je vais le tuer !

C’est bel et bien de l’univers carcéral qu’il s’agit dans ce roman. Abel Hafed Benotman nous dépeint bien plus qu’une caricature minimale. On est dans le vrai***  à nous en faire sentir les odeurs poisseuses des cellules, les bruits d’écrous ou encore de cris de désespoir d’un détenu désabusé de son sort voire abusé de son corps.
L’auteur dont on connaît son opposition à toute sorte d’enfermement assure d’une plume parfois argotique mais le plus souvent teintée de prose et de poésie. Si, si ! Abdel-Hafed Benotman a une plume magnifique ciselée et de temps à autre qui se faufile comme cela à brûle pourpoint  dans le lyrisme. Pourtant pas évident de manier l’exercice quand la trame du livre annonce une satire grinçante du milieu carcéral, de ses causes à effets, de son immobilisme et de ses injustices.
L’auteur nous emmène avec lui dans sa contestation du système en place au sein de la « zonzon ». Enfin ce roman est hautement autobiographique même si l’auteur assure en début de pages que les personnages sont purement fictifs. Dans certaines situations Nadine est bel et bien Francine et Dan notre feu Hafed.

Enfin pour conclure, chers lectrices, lecteurs de CCBDL, si ce résumé de ce roman  ne vous a pas convaincu, je vous propose de lire la dédicace que m’avait gratifié Abdel-Hafed Benotman sur la première page de cette marche de nuit. C’est d’une beauté….

POUR BRUNO
Voila l’histoire d’une femme en lutte qui a besoin de la lumière de tous pour avancer dans le noir.
Merci de l’éclairer d’un peu de fraternité.
AMICALEMENT.

Hafed."

Bonne lecture.

Bruno

AHB Photo

Merci à Maryan Harrington pour la photo d’AHB (http://www.maryan-harrington.fr/)

EXTRAIT :

« Jadis, du temps d'avant les exécutions dans les couloirs de la mort, dans le sud profond des Etats-Unis, on pendait les Noirs et on y mettait le feu. Aujourd'hui dans le centre-ville de la capitale de la France, on les étrangle socialement, pendus économiquement, et ils finissent brûlés vifs hommes femmes et enfants dans des logements de misère. » 

 

  • *MAF .La prison de Fleury Mérogis est composée de cette manière, la Maison d’Arrêts des Femmes  et celle des Hommes. C’est lors d’un transport en fourgon cellulaire que Dan aura le temps de noter le n° d’écrou de Nadine sur sa main.
  • ** Le terme boîte  (par exemple Mathilda est boîte) est employé à multiples reprises par l’auteur. Lien : http://www.languefrancaise.net/bob/detail.php?id=8687   
  • *** L’auteur a séjourné plusieurs fois en milieu carcéral et nous délivre un fascinant état des lieux.

 

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Commentaires
A
L'univers carcéral ? Je n'aurai pas osé, mais il a l'air bien écrit.
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T
Bel article hommage à un auteur récemment disparu.
Répondre
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