florida

FLORIDA ROADKILL de Tim DORSEY
Editions Rivages/Noir N° 476
15 mai 2003
367 pages

Depuis qu'ils se sont rencontrés en prison, Serge et Coleman se sont associés pour le meilleur et pour le crime. Le tandem devient trio avec la sculpturale Sharon dont les lèvres boudeuses " font avoir des accidents de voiture aux hommes ". Ces hommes, la demoiselle les séduit pour leur assurance vie, et il faut reconnaître qu'elle les assassine toujours de façon originale. N'importe où, cette bande de psychopathes hallucinés serait abattue sur-le-champ. Sauf en Floride. Et pour le trio infernal, le magot de cinq millions de dollars qui se profile à l'horizon n'est pas une hallucination. D'ailleurs tout le monde semble se le disputer. Commence alors une poursuite délirante, certes sanglante, mais aussi très drôle. Ce premier roman dont la suite, Hammerhead ranch motel est également publiée chez rivages, témoigne de l'incroyable imagination de Tim Dorsey qui se révèle digne des plus grands par son sens du rythme, des dialogues et des situations cocasses.

Avoir dans ses contacts un fan devant l’éternel* de cet écrivain trop méconnu en France et ne pas vouloir percer le mystère d’un tel engouement aurait été une bévue de ma part.

Chose faite à présent !

Et maintenant le ciel s’éclaircit….Je vous emmène donc en Floride, mais pas n’importe laquelle. Celle de Serge A. Storms. Ad vitam aeternam !

Avec Dorsey, la Floride devient un repère pour déjantés en tous genres ; un sac de dangereux personnages.
A commencer par notre héros : Serge A. Storms. Tout jeune çà n’avait pas vraiment bien commencé pour lui. Ceci pouvant peut-être expliquer cela !

Il est vrai que durant sa petite enfance, son père l’a enfermé puis oublié dans une glacière lors d’une journée de beuverie. Cette originale facétie lui aura valut un séjour en soins intensifs d’une durée de 3 mois.
Puis comme si ce n’était pas suffisant, vers l’âge de cinq ans il perd son paternel lors d’un terrible accident……de pelote basque !
Ensuite, et beaucoup de psychotropes plus tard, on va dire que Serge devient un drôle de personnage atypique.

Psychopathe quand tu nous tiens !

« Le comportement de Serge parlait de lui-même.
Avec lui, tout était comme un commutateur : soit allumé, soit éteint. Sans réglage possible. »

C’est en compagnie de la sublime Sharon

«dont les lèvres boudeuses
[...] font avoir des accidents de voiture aux hommes »,

et de Coleman, un sombre idiot défoncé à longueur de journée, que Serge nous fera visiter sa Floride à 200 à l’heure peuplée de personnages hors normes.
La Teigne Mou de l’Asperge et La Chlingue sont des bikers sans motos, Minimum est un véreux loueur-vendeur de mobile-home pour seniors qu’il arnaque à tours de bras, Charles Saffron est un assureur lié à un piètre cartel de drogue. N’oublions pas George Veale III le richissime homme de la côte qui sera au centre (ou la cause) de tout ce road-book.

Certains y perdront des doigts, d’autres des vies…

Il s’agit là d’un pétillant polar que nous livre Tim Dorsey composé de personnages particulièrement réussis, qui prennent d’ailleurs le pas sur l’intrigue, notamment celui de Serge A. Storms qui est certainement le personnage le plus foutraque du paysage noir de la littérature américaine du moment.

L’auteur réussit un véritable tour de force en brossant des portraits inversés. Les méchants psychopathes sont parfois attendrissants tandis que les bons (principalement les notables), cachent derrière leurs beaux airs les pires bassesses.

Le tout sur un fond burlesque.

C’est fun, et certaines situations font preuve d’une loufoquerie** qui émane à n’en pas douter, d’une imagination fertile bien au dessus de la moyenne.

Bravo Mister Dorsey***, cela nous va à ravir !

Bonne lecture.

Bruno

* Ian Lespoux est passionné de littérature policière et modérateur de festivals du genre dans le sud de la France. Il anime un blog notoire,et, pour avoir un autre avis de ce livre c’est ici : http://www.encoredunoir.com/article-un-ete-avec-tim-dorsey-1-florida-roadkill-78434630.html

** La scène où les sosies d’ Ernest Hemingway tiennent salon chez Slappy Joe est particulièrement croustillante.

*** Pour ceux qui veulent aller un peu plus loin avec l’auteur c’est ici : http://timdorsey.com/home.html

EXTRAITS :

« Sean, dans son épicerie, pouvait renifler de loin les clients merdiques.
Trois latinos en costume de lin, moustaches fines, bien taillées, entrèrent par ordre de taille décroissant et remplirent, dans le même ordre, trois gobelets à la fontaine de soda. RAS.

Le signal Danger clignota. Le mec de la pompe 4 qui venait d’entrer atteignait 5,9 sur l’échelle des débiles graves.
- Qu’est-ce que t’as foutu tout ce temps, connard ! On le fait pas attendre, le Steve !
- Ca fait 19 $.
Le mec sort un billet de 20 de sa poche.
- Eh, tu me rends ma monnaie, espèce de NEGRE !!
Le plus grand des latinos se trouvait juste derrière Steve dans la file.
- Hé, toi ! Excuse-toi !
- Va te faire foutre, Julio ! Retourne voir les guenons que vous appelez les mères de vos gosses !
Steve ne vit rien venir. Un second latino arriva par derrière avec à la main une bouteille de sauce barbecue grosse comme une balle de bowling. Qui écrabouilla le nez du Steve.
Sean fut alors le témoin d’une catégorie de violence assez inédite. Le plus grand des latinos prit dans chaque main deux broches à hotdogs de la rôtisserie et enfonça les pointes dans le torse de Steve comme on plante des banderilles. L’une transperça le poumon droit, l’autre lui éclata un ventricule.
Steve se tortilla et se mit à râler, deux hotdogs ratatinés et tremblotants dépassaient de sa poitrine comme des oreilles de lapin.

Le grand latino enjamba le corps et s’approcha de Sean.
- On vous doit trois Coca et deux hotdogs. »

« La chambre que je vous propose possède une salle d'eau à l'européenne. Cela vous convient-il? s'enquit le réceptionniste.

À l'européenne? fit Serge. Vous arrivez à faire passer un défaut de prestation pour un privilège? Et il faut payer un supplément pour ça? »

Florida Roadkill de Tim Dorsey

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