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SKEUD de Dominique FORMA
Editions Rivages Noir N° 989
Mars 2015

Véritable encyclopédie musicale, Johnny trouble règne sur le marché des disques pirates. De Londres à Paris ou Amsterdam, il enregistre en douce des concerts mythiques et habille ses vinyles piratés de pochettes qui sont autant d'oeuvres d'art. Les fans s'arrachent ses «Skeuds», cependant son succès fait des jaloux chez les concurrents et, en une nuit, tout ce qui fait sa vie est saccagé. Détruit.
Mais trois ans plus tard, Johnny revient, et il a décidé de régler ses comptes. Un retour «vintage» aux grandes années du vinyle par l'auteur de Hollywood zéro, prix lire en poche 2014. «Ce banlieusard prouve ses talents d'écrivain avec un roman noir gouailleur situé dans le Paris des années 1980.»

Ce livre est paru en première mouture chez Fayard Noir en 2008. Revisité (remixé ose en rire DF dans la postface) par l’auteur et incluant un dernier chapitre qui n’a pas dû manquer d’intérêt aux gens de la désormais collection de polars Rivages Noir. Cet ouvrage n’est pas vraiment un polar au vrai sens du terme même s’il y a assassinat puis quelques cadavres faisant de mauvaises chutes, mais plutôt un roman noir relatant les frasques d’un bootlegger de disques vinyle dans les années 80. Si vous n’aimez pas ce genre d’objet, passez votre chemin. Si le contraire s’impose vous allez prendre votre pied. Et comme disaient les Ramones : Eh ! oh ! let’s go !

En 1980, dans la capitale parisienne, à Châtelet, certains dealaient diverses cames à vous ramollir le ciboulot ou à le speeder à fond. Johnny Trouble a choisit l’option vinyle. Enfin le disque vinyle, le Skeud !
Non seulement il deale la galette, mais l’a conçoit de A à Z. De l’enregistrement, au pressage en passant par le choix et l’impression des pochettes. Un artiste ! Son travail classieux est reconnu de tous dans l’hexagone tout comme dans la vieille Europe. Johnny est une pointure du genre. De surcroît passionné de rock, il est considéré par ses pairs aussi bien que par ses clients comme l’Encyclopédiste du style musical. Les grandes manœuvres rapportent bien dans les « fouilles » de l’empereur parisien du disque pirate. Il n’est pas rare qu’il fasse des journées entre 4 et 5000 Francs la journée. De quoi faire pâlir aussi bien un manutentionnaire du BHV, qu’un vendeur de la FNAC ou encore un patron de PME ! Mais pas seulement…

Déjà tout jeune, Jean, Jeannot, Johnny, avait la bosse des affaires et avait adopté le concept des Sumériens : la cooptation.

La vie est belle. Des billets en poche de sa gagne, il s’en sert principalement en réjouissant son principal hobby : la fréquentation des tapineuses de la rue Saint Denis, le zonage dans la rue Blondel où des bouges et autres chambrettes accueillantes proposent d’imaginatives dominatrices.
Son autre plaisir est différent mais non moins compatible : s’enfiler de temps à autre un petit gorgeon de cognac, Rémy Martin si possible. Comme je vous le disais sa vie est douce. Le seul hic si l’on puisse dire réside dans la manutention pénible des lourdes et encombrantes caisses de disques. L’érosion des lombaires. Un avant goût d’arthrose !

Après les joies du Paradis, Johnny goûtera aux affres de l’Enfer. De nombreuses déconvenues viendront pourrir son existence durant presque 3 ans de sa vie. La plus importante et qui engendrera les autres comporte trois lettres de l’alphabet : LEO.
Léo et les siens font main basse sur sa peau en le tabassant à mort, mais également en emportant ses trésors de guerre, disques d’une rareté reconnue, et pour mener à bien le paroxysme, emmènent sa pauvre mère au ciel voir si les anges existent vraiment.

L’encyclopédiste du Rock, le Caïd du Skeud parisien est anéanti. Une longue dérive malsaine et très alcoolisée s’ensuivra de Paris à Amsterdam avec pour seul but de survie, une autre soif. Celle de la vengeance

Pour un passionné de disques vinyle qui de surcroît possèdent quelques références musicales Rock, ce bouquin est un cadeau. Le livre justement est truffé d’anecdotes sur les rockeurs, de références musicales importantes à en faire rougir de nombreux bloggeurs et critiques musicaux en herbe.
Forma nous immisce dans le monde parallèle des « majors » du disque. Un univers brutal, où les règles sont louches et peu correctes. Moi-même ayant traîné mes guêtres dans les conventions, acheté sous le manteau des disques pirates pour agrémenter ma collection, ce livre est de l’eau bénite. Pour les autres ce sera un peu plus compliqué.

Evidemment Les Fleshtones, Suzi Quatro, Nancy Sinatra, Stiv Bators et ses Lords of the New Church, Flammin’ Groovies, ou autres Echo & the Bunymen ne diront certainement pas grand-chose aux néophytes.
Mais la trame de l’histoire avec l’ascension, le déclin puis le retour sur scène si l’on peut dire de ce marchand original, ma foi peut intriguer le lecteur et pourquoi pas lui donner envie de poursuivre sa lecture jusqu’au point final.

L’écriture de Dominique Forma est très visuelle quasi cinématographique* et dans ce cas presque autobiographique car l’auteur est un féru de musique rock, érotomane**, et a été lui-même bootlegger.
Les trois thèmes sont savamment abordés voire bien développés, notamment pour ce dernier où l’on peut apprendre beaucoup de choses sur ces fameuses galettes gorgées de microsillons. Les skeuds quoi !

Bonne lecture.

Bruno.

- * Au départ ce roman était un script pour un film destiné au public français.

- ** Dominique Forma a collaboré avec le réalisateur pornographique Marc Dorcel, d’autre part il a également contribué à un dictionnaire de films érotiques et pornographiques en 16 et 35mm.

Extrait :

« Terry, Zouzou, Barbie, Requin et René.

Le Gotha.

L’aristocratie vinylique.

Cinq vedettes improbables.

Des sérieux. Des dangereux.

Je m’autorisai deux secondes de silence pour observer. A eux cinq ces types détenaient 80 % du marché des skeuds. Des mecs riches. Courtisés et puissants. Des mecs qu’on imaginerait plus dans un relais routier que dans cette suite d’hôtel. Des mecs qui ne conduisaient pas la dernière BMW, qui ne possédaient pas de Rolex, qui ne sortaient pas avec un mannequin ou une actrice. Comme quoi il ne fallait pas se fier aux apparences. »

Les autres livres de Dominique Forma sont ici : http://www.payot-rivages.net/index.php?id=1

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