"Il a l'air d'un roi, le fleuve. Il est là depuis toujours, rouge à force de creuser l'argile, rivière Rouge, c'est son nom. La nuit, il brille, le jour, il est plat comme le verre et ne reflète que le ciel, les nuages et les arbres. Il semble ne pas nous voir. Nous sommes une quinzaine, nous venons ici presque chaque jour depuis deux semaines tant la chaleur semble vouloir nous punis, mais il passe, indifférent à nos enfants qui s'élancent, à leurs mères qui disent, Attention au courant, et aux vieilles, comme moi, qui se retranchent à l'ombre sur leurs sièges pliants. Rien ne trouble le fleuve. Il connait son sort, il descend l'Amérique et s'en va se noyer dans le Mississippi puis dans la mer. Il est tout petit là-bas dans la mer, mais si grand devant nous. J'ai peur de lui. J'ai l'impression qu'il rit, qu'il rit du pont un peu plus loin qui rouille en ayant cru l'enjamber, qu'il tire de nous aussi, de nos mains et nos pieds incapables de nager, de nos sueurs froides quand passe la police, j'ai l'impression que nous sommes comme les feuilles morts qui dans quelques mois se détacheront des arbres, poussières dans l'eau."

Second roman reçu grâce au partenariat "Coup de coeur de la rentrée littéraire" d'Entrée Livre, c'est avec appréhension que j'ai démarré la lecture de cette histoire.
La 4° de couverture me donnait une impression de devoir subir un roman philosophique avec pour ligne conductrice un fleuve.

Et quelle surprise !!!

Ce roman démarre par une fouille de maison, en Louisiane, par la Police. La fouille au corps de l'ainé de la famille nous laisse présager un roman sur une jeunesse perdue qui ne trouve pas sa place.
En final, petit à petit, et par la voix des différents protagonistes, nous allons découvrir comment 3 générations d'afro-américains vivent l'intégration.

Les chapitres alternent entre la voix de Mary Lee, la grand-mère qui a vécu pleinement la ségrégation, la mère complètement dépassée et désabusée, et chacun des enfants dont les préoccupations sont variées.

Alors que nous sommes plongés dans les pensées de chacun des protagonistes par cette journée caniculaire, au bord du fleuve, l'auteur nous emmène 60 ans en arrière.
Mary Lee raconte le jour où les piscines ont été ouvertes pour la première fois aux "noirs". Mary Lee nous conte tous les clichés qui justifiaient que les afro-américains ne puissent pas se baigner... Il semblerait qu'ils flottent moins bien que les blancs (!)

Si Mary Lee se souvient de cette période, c'est parce que l'interdiction d'accès à la piscine qu'elle a vécu enfant, va soudainement avoir des répercussions gravissime dans sa vie de vieille dame.

Un roman absolument magnifique, servi par une écriture simple qui donne toute leur ampleur aux personnages et permet, par le biais d'un fait divers, de faire ressurgir un page d'Histoire.

Pour en découvrir un peu plus, vous pouvez écouter Judith Perrignon lire quelques pages de son roman :

Et puis, Musique....

Les Faibles et les Forts de Judith Perrignon

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