demandealapoussière

Demande à la poussière de John FANTE
Ecrit en 1939 et seulement publié en France dans les années 80…..
Pour l’édition de poche chez 10/18 N° 1954 en oct. 2013

John Fante est un des précurseurs de la littérature américaine contemporaine. Il présente, bien des années avant Kerouac et Ginsberg, une part de l'esprit de la Beat Generation.

On retrouve dans Demande à la poussière Arturo Bandini, toujours sans le sou, tentant par tous les moyens d'atteindre la reconnaissance littéraire et qui tombe amoureux d'une femme fatale prénommée Camilla. Tragiquement drôle.

Adulé par Charles Bukowski - et ce n’est pas rien ! – Demande à la poussière est considéré comme l’un des romans les plus représentatifs du Los Angeles d’antan. Hank sera également le préfacier de ce livre pour cette édition.
John Fante c’était un dieu pour un des mes meilleurs potes que je côtoyais dans les années 90…Fante par ci, Fante par là ! Je me demande même maintenant avec le temps passé, s’il ne s’était pas assimilé à Arturo Bandini tant son style de vie et son comportement tourmenté lui étaient semblables. Il était bien temps que je mette le nez chez l’excessif Fante. Chose accomplie et je vais partager avec vous chers lecteurs de ce blog.

La poussière, c’est celle qui vagabonde, errante et affligeant les palmiers devenus sales de la Californie des années 30. Au début du roman on ne la côtoie pas trop, l’auteur se consacrant à nous présenter son personnage principal : Arturo Bandini.
Bandini l’écrivain ambitieux et hors normes rêvant d’une vie de paillettes et de jolies plantes s’accrochant à son cœur. En attendant notre réfugié de parents Italo-américains, n’écrit que des nouvelles pour un journal à grands tirages. Cloué dans une sordide chambre d’hôtel avec comme fidèles compagnons, Pedro, un souriceau fugace et sa machine à écrire. Revêtu de son marcel et tapotant sur les touches de sa bécane, il se rend bien compte qu’il faudra qu’il sorte de sa turne, qu’il vive des expériences multiples afin de les retranscrire. Il s’y colle donc et là, le roman prend une dimension sublime.
On file dans la Californie d’antan et c’est au fil des pages que la poussière prend une place capitale, enjouée de poésie mais parfois aussi revêtant une auréole tragique. On semble revivre aussi le tremblement de terre qui a bousculé Los Angeles en 1937, le tout revisité par Fante c’est du caviar !

Mais il n’y a pas que la poussière qui occupe le roman. Sinon on pourrait s’ennuyer ferme ! Fante tout comme Bandini est un adorateur des femmes…
Il y aura donc romance ! Entre l’écrivain en devenir, imbus de lui-même et Camilla Lopez la serveuse mexicaine au caractère bien trempé. Il en découdra une relation chaotique et entre les deux protagonistes çà sera souvent « je t’aime moi non plus » qui lui servira de matière pour son roman en cours commandé par son éditeur.
Bandini, malgré ses frasques et ses incertitudes sur sa façon d’avancer dans la vie et son errance, ne gardera jamais bien loin de lui, sa détermination à écrire et d’être publié. Fante met un point d’honneur à cela, cela se ressent dans l’écriture de ce singulier roman.

J’ai beaucoup aimé ce roman dit « semi-autobiographique » pour multiples raisons, et je comprends mieux l’engouement de mon pote Eric P. pour cet auteur ainsi que de nombreux lecteurs et rédacteurs en tous genres depuis les années 80 qui ont donné à ce livre ses lettres de noblesse.

Il y a un ton et une écriture du tonnerre !

Le tout dans une mélancolie latente où l’espoir naît quelquefois puis succombe à son contraire, le désespoir. Ce deuxième roman de l’auteur qui compose un des tomes du cycle Bandini est remarquable, bien déjanté mais pas seulement et c’est çà qui donne la force de cet amour de bouquin.

Bonne lecture.

Bruno

Extraits :

« Là-dessus tu as sorti une bouteille de ton sac et on a bu ça ; ton tour d’abord, ensuite le mien. Quand il n’y a plus rien eu dans la bouteille je suis descendu en acheter une autre au drugstore, mais une grande cette fois. Toute la nuit on a bu et pleuré, et ivre je pouvais dire les choses qui bouillonnaient dans mon cœur, tous ces chouettes mots, toutes les fines comparaisons, parce que toi c’est sur l’autre mec que tu pleurais et tu n’entendais rien de ce que je racontais ; mais moi je les entendais, et je peux te dire qu’Arturo Bandini était plutôt bon cette nuit-là, parce qu’il parlait à son seul amour, et ce n’était ni à toi ni à Vera Rivken qu’il parlait, tu comprends, mais juste à son amour. Ah j’en ai dit des belles choses cette nuit-là, Camilla. A genoux à côté de toi sur le lit, je te tenais la main en disant : « Camilla, pauvre petite, perdue et tout ça ! Desserre tes doigts fins et rends-moi mon âme lasse ! Embrasse-moi sur la bouche que je me rassasie du pain d’une colline mexicaine. Souffle le parfum des cités perdues dans mes narines enfiévrées et laisse-moi mourir ici, la main sur la douceur de ta gorge, blanche comme une plage du sud à moitié oubliée. Viens puiser le désir dans ces yeux malades et jette-le aux moineaux solitaires dans quelques champs de maïs, parce que je t’aime, Camilla, et ton nom m’est sacré comme celui d’une princesse très brave se mourant d’amour avec le sourire, pour quelqu’un qui ne le lui rendrait jamais. »

« Je suis sorti faire un tour en ville. Bon Dieu, voilà que je remettais ça, traîner la savate dans les rues. Je regardais les gueules autour de moi, et je savais que la mienne était pareille. Des tronches vidées de leur sang, des mines pincées, soucieuses, paumées. Des tronches comme des fleurs arrachées de leurs racines et fourrées dans un joli vase ; les couleurs ne duraient pas bien longtemps. Fallait vraiment que je quitte cette ville. »

Demande à la poussière de John Fante

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