jeudinoir

JEUDI NOIR de Michael Mention
Ombres noires
Edité le 5.11.2014
(192 pages)

8 juillet 1982, Séville. Coupe du monde de football, demi-finale France-R.F.A. L'ambition contre l'expérience. L'espoir porté par Mitterrand contre le fatalisme du mur de Berlin. Et pour les deux équipes, une même obsession : gagner sa place en finale. Face aux puissants Allemands, Platini, Rocheteau, Giresse... une équipe de France redoutable. Mais le pire s'invite : les coups pleuvent, le sport devient guerre, et la mort arbitre.

Pour la première fois, le match mythique vécu en direct, sur le terrain. Une expérience radicale, entre exaltation et violence.

Du haut de mes dix-sept piges, chaussé de mes Doc Marteens et arborant fièrement des badges de Sham 69, Ramones et consorts, il m’arrivait d’oublier ma ferveur pour la musique et d’aller visionner avec mon paternel les « grands » matchs de football chez mes grands-parents qui possédaient « eux » la télévision en couleurs. Nous étions en 1982, le 8 juillet et je n’oublierai jamais l’état de colère* et d’indignation de mon père devant l’écran du téléviseur familial, lui qui était habituellement plutôt d’un caractère souple et réservé.

Février 2015. Qui eut cru que trente trois ans plus tard, un jeune écrivain de polars s’intéresse à ce match fascinant de la demi finale de la Coupe du Monde de football à Séville, au point d’en faire un roman…Noir ! Non je ne rêve pas je viens de me pincer, je bleuis donc je suis bien là et avec vous chers lecteurs (trices) pour vous faire partager ce match. Euh ! Ce livre, enfin les deux !

Michael Mention nous a habitué à truffer ses ouvrages de références musicales, mais dans ce Jeudi Noir il pousse le vice (s’il en est un ?) à les comparer à des situations de ce France-RFA. Le passage du Made in Spain est particulièrement savoureux. Qui lira saura !
Ou encore la défense française comparée à Téléphone. Cet écrivain est un fondu de Rock et y glisse son savoir, à sa sauce onctueuse et subtile en n’omettant pas de narrer des passages de l’Histoire de l’époque. Celle où Mitterrand régnait en France d’un côté et du mur de Berlin demeurait de l’autre.

L’auteur revisite à sa manière, noire à souhait, en décortiquant dans les moindres détails ce match de football capital** pour les acteurs et autres aficionados de ce vieux sport né Outre Manche, est il bon encore de le rappeler ? Le déroulement de ce match est digne d’une tragédie Grecque tellement le scénario est alambiqué de rebondissements, de suspens et de violence.*** C’est à travers les yeux d’un joueur factice, une sorte de douzième homme que Michael Mention raconte ce match à la première personne. Il est à la fois sur le terrain mais parfois « out », rempli de turpitudes, de méfiance (qui frôle la paranoïa). Ce footballeur est un pur raciste, amalgame également les événements de la seconde guerre mondiale avec cette rencontre qui s’envenime au fil des tirs, des buts et des minutes…

Il y a aussi un côté fictionnel extravagant et inattendu dans ce roman, notamment à la fin du temps additionnel, juste avant les prolongations, l’auteur propulse son douzième homme fictif dans un délicieux passage où il côtoie Dalida, Audiard, Le Luron, Tati, Desproges, Signoret, Dewaere sans oublier Barjavel et Coluche. A vous d’en découdre cher lecteur(trice), mais ce décalage**** est savamment orchestré par Michael Mention.

Doux délire !

J’ai apprécié ce livre, même si l’écrivain parisien réfère souvent (voir parfois trop) mais la dissection quasi chirurgicale de ce match est rompue par le rythme soutenu imposé par l’auteur. On en oublie donc cette foule de détails et on se régale de ces injections surprenantes.
n lisant une interview dernièrement accordée à un bloggeur M.M précisait qu’il avait veillé que le livre ne s’adresse pas uniquement aux fans de football. Je confirme !
Mais j’affirme aussi que si vous aimez ce sport et de surcroît si vous avez visionné ce match fou, ce livre vous fera prendre votre pied ! Et sera donc une excellente raison de le visionner *****
Enfin j’ajouterais deux choses avant de conclure : Ombres Noires a eu le nez fin d’éditer ce roman atypique et que M.M n’est pas hors-jeu avec ce bouquin et n’aura à n’en pas douter, besoin d’avoir recours à l’éphédrine pour poursuivre sa carrière d’écrivain !

Bonne lecture.

Bruno

* La seconde fois où j’ai vu mon feu paternel dans cet état fut lorsqu’un émir descendit sur le terrain pour contester un avis arbitral et influencer l’homme en noir.

** Ce match est considéré par les spécialistes du genre (Michel Platini en tête de file) comme l’un des matchs du siècle.
*** Violence inouïe et répercussion au niveau social, les 2 chefs d’état de l’époque, Helmut Kohl et François Mitterrand ont dû faire une déclaration commune pour apaiser les esprits.
**** Décalage. Terme également approprié au football et particulièrement au handball.
***** Pour visionner ce match = https://www.youtube.com/playlist?list=PLkc5WsOldDf7WC3iTR-Z-5Y72Oxjavrhd

Extraits :

« À ma droite, des journalistes jouent des coudes en vue d’obtenir la meilleure photo. Avec l’évacuation de Patrick, ils n’ont pas raté leur soirée. Ces hyènes ne vivent que pour le scoop, si possible le plus macabre. Ce sont eux qui ont tué Romy. Notre meilleure actrice, la femme ultime. Son gosse empalé sur la grille, ça ne suffisait pas, alors ils ont poussé le vice jusqu’à se déguiser en infirmiers pour le photographier sur son lit de mort. Pourritures. »

« C’est bon, l’eau. Vitale et pourtant si humble. Incolore, inodore, elle a la transparence des talents complexés. Si elle pouvait parler, elle dirait « Régalez-vous, faites comme si je n’étais pas là » alors qu’elle est essentielle pour nous.

Mais on est indignes d’elle. Ingrats, on ne pense à l’eau que lorsque l’on en a besoin. Une pute qu’on sonne, qu’on bourre et qu’on jette. »

Jeudi noir de Michael Mention

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