extorsion

EXTORSION de James Ellroy
Edité chez Rivages
puis Rivages/Noir N° 986
Mars 2015

Fred Otash était un flic véreux de Los Angeles devenu détective privé, maître chanteur et proxénète. Il était surtout connu pour avoir colporté des ragots sur le tout Hollywood pour le compte du magazine Confidential. Avec son goût pour les seconds couteaux à la personnalité trouble, Ellroy s'est emparé d'Otash et en a fait un personnage de fiction qui apparaît dans American Death Trip et Underworld USA.
Il lui donne le premier rôle dans Extorsion en l'imaginant au purgatoire, torturé par ses anciennes victimes, de Marilyn Monroe à Montgomery Clift en passant par Ava Gardner. Freddy O ne pourra obtenir une remise de peine et "accéder au nuage supérieur" que s'il confesse ses péchés. Pour cela il va solliciter l'aide d'"un plumitif nommé Ellroy".

Lorsque je faisais mes emplettes dans ma librairie préférée au Havre et que je croise une de ses responsables, on cause bouquins et en voyant sur le haut de ma pile le dernier Ellroy elle fait une moue de dédain en ajoutant « Un ton en dessous celui-ci ! » Je ne suis pas le genre de type à aller reposer le livre mais plutôt de m’en faire un avis perso. C’est comme çà et de surcroît plus j’aime bien « le Dog » !

Ce court roman ou plutôt cette longue novella se révèle être un divertissement. Ellroy n’utilise pas de brosse à reluire pour refaire le portrait à sa manière (et quelle manière !) de Freddie Otash. Le milieu people et underground du Hollywood des années 50 ne sera pas épargné non plus. On sera du côté « off » des strass et paillettes avec ses corruptions, ses trafics et ses coucheries en tous genres. Une chose est sûre, on ne s’ennuyait pas à cette époque !
Ce « small world » du star system est finement décrit à la sauce ellroyenne mêlant la drôlerie, l’idiotie* et l’âpreté chère à l’auteur, particulièrement vis-à-vis du personnage principal. Aucune complaisance ne sera envisagée. Depuis le Purgatoire, on y suivra ses nombreuses frasques qui seront collectées quarante ans plus tard par un plumitif ennuyeux et déterminé à mener à bien son affaire : Une série TV qui aura pour nom Extorsion et pour mission de retracer la vie de ce salopard d’Otash. Venu de son Connecticut le plumitif en question se nomme James Ellroy. Tiens donc !

En 1992, Otash a perdu de sa splendeur dans son institut spécialisé. Les indics et les belles pépées ont disparu de son sillage laissant place aux déambulateurs et autres bonbonnes d’oxygène appartenant à ses deux potes. Seule compensation, un litron de Jim Beam de temps à autre. Faut pas déconner quoi !
Toutefois n’avilissons pas trop vite notre bougre, ses neurones sont encore capables de réagir aux 10 000 dollars proposés par ce casse couilles d’Ellroy venu le tarabuster alors qu’il se la coulait douce. Freddie essaiera de dissimuler la présence de ses journaux intimes de l’époque regorgeant de photos pornos édifiantes et des articles de presse des plus salaces. Les débuts de la presse « people » doit ses lettres de noblesse à sieur Otash.
Notre ex flic ripou reconverti en détective déborde une nouvelle fois de son métier. Particulièrement en alimentant un des joyaux de l’époque de la presse à scandale, le bien nommé Confidentiel, agrémenté de photos compromettantes obtenues par des moyens les plus douteux. Otash méritera son Purgatoire haut la main, per obitum ! Il pateline ses affaires avec brio, dirons-nous ! Les victimes de son voyeurisme accru en auront certainement un avis différent. Il est vrai que, choper un cliché de Marlon Brando bite en bouche ou d’immortaliser la nymphomanie d’Ava Gardner n’est pas donné à tout le monde. Je vous rassure la liste n’est pas exhaustive, Oh que non ! Les pires saloperies seront balancées en pâture.

Qu’il n’en déplaise à ma libraire, j’ai passé un bon moment en compagnie de ce livre qui se lit vraiment d’une traite. Le Dog, notre amerloque de coeur revient sur l’un de ses personnages principaux de sa trilogie Underworld USA. L’auteur n’épargne personne et s’en donne à cœur joie. Les anecdotes croustillantes sur Ava Gardner, Marylin, Liz Taylor Bob Mitchum et consorts ne sont pas piquées des hannetons !
Ellroy semble s’amuser avec ce beau petit monde tout comme il joue avec lui-même en s’intégrant dans le décor. Caresserait-il un peu trop son égo ? Après tout c’est le maître, on ne lui en voudra surtout pas ! Ce petit livre semble être un interlude avant un nouveau quatuor annoncé pour bientôt** qui se targuera peut-être d’être un peu plus sérieux.

Bonne lecture.

Bruno.

* Lors d’un papier pour Paris Match James Ellroy déclare avoir rencontré Otash sur ses vieux jours et avance que c’était un idiot et un personnage ridicule. Source = http://www.parismatch.com/Culture/Livres/James-Ellroy-nous-prend-en-Otash-560571
** Le second quatuor de Los Angeles est prévu en 2015 chez Rivages … ci contre petit rappel du 1^er quatuor = http://www.franceinter.fr/depeche-james-ellroy-4-romans-et-une-ville

EXTRAITS :

« J’ai le cul en compote. Ava Gardner m’a taraudé le train la semaine passée. Ava était une nympho nuisible avec une fascination pour le bois d’ébène. Je l’ai branchée sur un bandeur de la brousse doté d’une bite en béton. Mes factotums ont enfoncé sa porte et pris des photos. Confidentiel eut la titraille traîtresse. »

« Une photo tombe du carton. Merde... Rintintin qui baise Katharine Hepburn. »

« Dudley travaille pour la Columbia, à temps partiel. Il tenait pour Harry Cohn le rôle du garant de la moralité. Les stars de cinéma sont intrinsèquement indisciplinées. Les führers des studios les contrôlent en leur prescrivant des codes de conduite contraignants. Ces codes imposent des règles de vie puritaines. Violer ces règles constitue une rupture de contrat. Dudley a épinglé des stars de cinéma homosexuelles et des stars de cinéma infidèles. Il a épinglé une foule d’alcooliques et de drogués. Il a des légions de grooms, de voituriers et de prostituées qu’il soudoie pour récolter des indiscrétions. Il constitue peu à peu l’album de référence des dessous de Hollywood. »

Extorsion de James Ellroy

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