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8 janvier 2017

Jean-Luc Romero-Michel Vs Requiem

Le Confessionnal

Mes très chers vous,

moi qui me vante que Requiem soit le croisement de San-Antonio et de Don Camillo, me voici dans la guérite à péchés face à un homme politique. Le gonze est rien de moins que conseiller régional d’Ile-de-France et maire adjoint du XIIème arrondissement de Paris, sans vous causer des différents engagements associatifs, mais on va y revenir.

Bref si vous vous attendez à de la castagne, c’est mal parti, parce que en un, nous n’allons pas parler politique, enfin clivage, et en deux, Jean-Luc Romero est là pour causer SIDA, pas chercher des voix. Notez bien que même, en ce lieu elles seraient impénétrables les voix…

 Jean Luc Romero crédit photo Simon Escalon (2)
Merci à Simon Escalon pour ce portrait

Bonjour mon fils, tu es quand même un drôle de bonhomme, car avouons-le, dans l’esprit des gens, s’il est une caste qui ment, cache, déforme la vérité, ce sont les politiques, nos élus… Toi tu ne saches pas, t’es le premier à balancer à la face de l’électeur que tu es séropositif, pourquoi ? 

Quand j’ai décidé de dire publiquement ma séropositivité, c’était l’aboutissement d’un cheminement personnel. J’avais fondé Elus Locaux Contre le Sida quelques années plus tôt et quand je faisais les réunions locales avec les élus et les associations, je me rendais bien souvent au chevet des malades ; je ne leur disais pas que je partageais le même mal, les mêmes souffrances, les mêmes peurs. Alors le dire publiquement, ça m’a fait un bien fou, cela m’a permis de me construire, d’être plus fort. Bien sûr, ça m’a freiné dans plein de choses notamment en politique où, clairement, le dire a été un obstacle. Mais honnêtement, si c’était à refaire je le referai à 120% ! Ce n’est pas à moi, personne séropositive, de changer quoi que ce soit, c’est au monde politique, à la société d’évoluer enfin !

Je vais te dire le fond de ma pensée : il est clairement plus difficile de dire sa séropositivité aujourd’hui qu’il y a 30 ans. Avant, comme je le rappelle dans SurVivant !, il y avait, non pas une victimisation, mais une forme de compassion, d’entraide. De solidarité. Ca a disparu et aujourd’hui, j’ai le sentiment que la seule réaction, c’est la culpabilisation de la personne. C’est contre la maladie qu’il faut lutter, pas contre les malades !

On ne va pas cacher la merde au chat, moi j’aime pas trop la politique, j’en fais pas, ça me saoule, je préfère les hommes… Euh, non, attend, ça ne va pas là ma tournure de phrase… je préfère l’humain, c’est mieux… et toi tu te défends pas mal. Tu es atteint d’une vraie saloperie depuis trente piges, au lieu de penser à ta petite vie, à ta guérison, tu te bats pour les autres, pour la recherche. Tu cherches la canonisation ?

La canonisation ? J’y pense tous les matins en me rasant … ! Plus sérieusement, j’espère surtout vivre très longtemps avant de penser à ça et je fais surtout ce que j’ai envie de faire : m’engager pour les causes en lesquelles je crois.

Contrairement à beaucoup et à une vision particulièrement pessimiste des choses, je crois que nous, humains, sommes capables de belles choses, d’entraide, de solidarité. Au bout de 30 ans dans le monde politique, on aurait pu penser que j’avais perdu mes illusions mais il n’en est rien ! Je ne sais pas si l’on peut changer le monde mais on peut sûrement y contribuer, j’en suis profondément persuadé. A nous d’en avoir la volonté, à nous d’agir.

Il y a un truc qui me gêne avec le SIDA et les gens… Pendant un temps, fin des années 80/90, on nous balançait du SORTEZ COUVERT, mes copains les Elmer Food beat cartonnaient en haut des Hits et autre « taupe 50 » avec Le plastique c’est fantastique, là ça ce calme, on en cause moins pour les jeunes, et surtout Mademoiselle C., (c’est la taulière), m’a fait part d’un souci qui est loin d’être con : On arrive dans des générations où l’on a plusieurs vies amoureuses, on se marie, on divorce, on est seul, on recherche de la compagnie. On tombe sur des hommes et des femmes qui ont plus de cinquante balais, voire beaucoup plus, qui ont toujours les hormones qui les chatouillent et qui ne vont pas se protéger, parce que merde, le SIDA ce n’est pas pour eux ! On ne risque pas une recrudescence de la maladie dans cette tranche de la population ?

Ce n’est même plus un risque, c’est une réalité ! Clairement, les plus de 50 ans se sentent bien peu concernés par le VIH ; je te redonne des chiffres tirés de l’enquête « Seniors et VIH » : près de 60% des personnes interrogées ayant eu plusieurs partenaires au cours des 5 dernières années reconnaissent n'avoir jamais fait de test. Parmi les plus de 50 ans ayant une vie sexuelle avec des partenaires multiples, 40% déclarent n'avoir jamais utilisé de préservatif au cours des 5 dernières années. Résultat : 19% des nouvelles infections sont découvertes chez les plus de 50 ans ! Ai-je besoin d’en dire plus pour affirmer que la prévention du VIH/sida chez les seniors est aussi une priorité ?

Il y a aussi un autre aspect sur lequel nous devons travailler très rapidement : ce sont les personnes séropositives depuis 20 ou 30 ans. Pour ces personnes, qui pour beaucoup ont plus de 50 ans, comme moi, le sida est synonyme de double peine. Il y a les maladies liées à l’âge mais aussi les complications spécifiques au virus et aux effets secondaires des traitements. A âge égal, on vieillit plus vite. Et trop souvent, seul !

La capote gratuite et un vrai discours sur le TPE[1], le traitement post exposition à risques, ce n’est pas la solution miracle, mais cela serait vraiment un grand pas dans la prophylaxie, c’est pour quand ?

Rapidement j’espère. Car pendant que l’on fait preuve d’immobilisme sur la question, c’est les infections que l’on favorise !

Sur la gratuité totale des préservatifs internes, cela fait des années que je le demande : après tout rembourser un outil dont le but est d’éviter la contamination par une maladie mortelle, je pense cela assez justifié sur le plan de la santé publique non ? Et puis, si l’on regarde cette mesure sur un plan économique, elle est d’autant plus viable. Eviter une infection au VIH coûtera de toute manière moins que traiter une personne tout au long de sa vie.

Plus largement, je pense fondamental de mettre en place une grande communication, attention pas un « one shot » mais une communication tout au long de l’année sur la prévention diversifiée mêlant capotes, dépistage, traitement comme outil de prévention pour les séronégatifs et les séropositifs.

Tout cela ne sera efficace qu’à la condition sine qua non d’une lutte extrêmement engagée contre les discriminations. Sans ce volet, on ne pourra raisonnablement envisager, réellement, la fin du sida.

Tout en te causant, en jactant prévention, je me dis que peut-être je déconne moi. Tu vois dans mes livres, dans mes aventures, je… j’ai… enfin, voilà quoi, le vœu de chasteté et moi ça fait deux. Bref je ne suis qu’un personnage fictif, mais je baise sans capote, c’est grave ? Tu crois que dans les livres, les films, les classiques et les pornographiques le p’tit chapeau devrait-être présent ?

La prévention a évolué et il faut oser le dire, sans bien sûr remettre en cause la place de la capote dans le dispositif. Est-ce que c’est grave de baiser sans capote ? Tu es peut-être séronégatif sous PrEP[2] ou séronégatif baisant avec des personnes qui connaissent leur statut et qui ont adapté leur prévention en conséquence. Tu es peut-être séropositif mais avec une charge virale indétectable depuis plus de 6 mois donc quasi certainement non-contaminant. Les scénarios sont multiples mais le plus important c’est de connaître son statut et d’être totalement honnête avec ses partenaires ! C’est l’avantage de la prévention diversifiée, de permettre de s’adapter aux réalités de vie des personnes et ce faisant, d’être plus efficace.

Les outils pour casser l’épidémie, on les a. Mais il est vrai que le sida a disparu de l’espace médiatique. On en parle plus, comme si c’était réglé alors que le nombre de nouvelles découvertes de séropositivité stagne depuis plusieurs années, alors que 20% des personnes séropositives ne connaissent leur statut sérologique en France, alors que jamais autant de personnes n’ont vécu avec le sida en France. Donc oui, c’est nécessaire de reparler du VIH/sida et de voir concrètement les outils de prévention. Une capote, ça doit renvoyer, non pas à une forme de gêne, mais au désir ! Sachons jouer avec et ne pas le considérer comme un obstacle.

Si l’on s’est rencontré, c’est par l’entremise de mon amie Nadine Monfils, qui est loin d’être une none… Une bonne fêtarde, toujours prête à déconner. Toi aussi tu aimes la fête, danser, rire, partager. Dis-leur aux pisse-froid que quand on est un jour malade, que l’on en prend plein la gueule, faut pas arrêter de vivre, au contraire, parle-nous un peu de tes six conseils, que d’avoir l’espoir on « surVit » !

Le moral est essentiel quand on est atteint d’une maladie chronique comme le VIH, c’est même le cœur du combat. Ne pas baisser les bras, penser l’espoir pas juste espérer, envisager l’avenir. Moi, je me rappelle quand j’ai su ma séropositivité : je pensais ne pas passer l’année et 30 ans après, je suis encore là, ayant fait de mon combat individuel un combat collectif.

Ce qui est aussi essentiel, c’est, ce serait, de vivre dans une société où dire sa séropositivité n’exposerait pas à la stigmatisation. Je te l’ai déjà mais dit mais je le répète : ce n’est pas à moi, personne séropositive, de changer quoi que ce soit, c’est au monde politique, à la société d’évoluer !

L’avenir dure toujours.

Mon fils tu es absout de tous tes péchés, et moi qui ai lu ton livre SurVivant ! Mes trente ans avec le SIDA, tu as ta place au paradis, l’enfer, tu l’as connu sur terre. Bises et bonne continuation pour tous tes combats…



[1] http://www.aides.org/info-sante/traitement-urgence-vih-sida

[2] La prophylaxie pré-exposition (PrEP) est une nouvelle stratégie de prévention du VIH.

Son principe est simple : il s’agit de proposer à une personne qui n’a pas le VIH, qui n’utilise pas systématiquement le préservatif lors de ses rapports sexuels et qui est à haut risque de contracter le VIH, un médicament actif contre ce virus afin de réduire voire d’empêcher le risque de le contracter.

Ce principe n’est pas nouveau : la PrEP protège du VIH comme certains médicaments protègent du paludisme ou comme une pilule contraceptive prévient d’une grossesse non-désirée.

 

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