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13 août 2015

La petite barbare d'Astrid Manfredi

la petite barbare

 




La petite barbare d'Astrid Manfredi
Belfond
154 pages
Sortie 13 Août 2015

Une jeune femme de 20 ans, surnommée la Barbare par ses compagnons de détention, purge une peine de prison pour complicité de meurtre. Elle livre un témoignage plein de rage sur la vie en banlieue, l'absence d'amour, les clivages sociaux et la société capitaliste, luttant désespérément pour s'en sortir grâce à l'écriture.

Premier roman.

 



Quand on est fana et férue de littérature, quand on écrit et soutient le travail des autres sur son blog, qu’accessoirement on écrit pour un célèbre journal en ligne et qu’on passe de l’autre côté ça doit être à la fois flippant et jubilatoire. C’est ce qui est en train même de se passer dans le cerveau d’Astrid Manfredi pour la sortie de son premier roman qui se veut être humain et social.

Un pari réussi.

Elle est belle, jeune aux cheveux bruns et lisses. Déjà toute jeune, sa tignasse de jais faisait des envieux durant ses années collège. Elle a côtoyé davantage les barres de béton de la banlieue parisienne que les avenues de Neuilly dans sa prime jeunesse. Elle a dû se battre pour en découdre avec sa dyslexie, tout comme pour se trouver de la « maille » lui permettant de s’acheter robes et talons aiguilles. Les escarpins, ça a toujours été son trip. Elle aime ce qui clinque.
Un petit joint de Ganja et quelques shots de Vodka peuvent aussi accompagner ses desideratas du moment. Les caïds de sa cité sauront pertinemment utiliser la beauté de la jeune femme pour s’en servir comme appât. Pour son pote violent et charismatique, elle ne sait pas vraiment dire non.

Contre son gré ? Pas vraiment ! Volontaire ? Pas exactement non plus.

Plutôt douée dans l’art buccal, elle soulagera bon nombre de clients. Le nombre d’escarpins  se verra  lui aussi exponentiel dans sa collection.
Aller plus loin, taper le gratin de Paname,  le côtoyer sur les «Champs », l’extorquer. Séduire le « bourge » puis le désargenter jusqu’à…

…Jusqu’à la journée noire. La journée de trop. Celle qui l’emmènera dans les geôles parisiennes sans qu’elle ait le temps de dire ouf. Un « bourge » étant retrouvé au sol sans vie sous ses yeux.

Verdict : Complicité de meurtre.

S’ensuivra un parcours où elle subira l’exclusion, la déshumanisation, la solitude, les psys et autres déconvenues liées à l’univers carcéral. Sa reconstruction passera par sa force de vivre, par la haine des hommes (Matons, dirlo aux méthodes animales, seul le Dr Neveu passera entre les mailles du filet grâce à son profil différent et à un cadeau providentiel) et…

...Par l’écriture.

Avec ce premier opus étonnant de réalité humaine et sociale, Astrid Manfredi pose à la fois l’interrogation du regard de l’homme mâle et sexué sur celui de la femme redevable telle une offrande, mais également sur le climat social rude et sans pitié de la société actuelle.
La différence et le fossé des classes sociales sont abordés à de multiples reprises. Les Champs Elysées sont l’Eldorado doré et le terrain de prédilection de La petite barbare, avant qu’elle ne rencontre à nouveau le béton de son enfance derrière les barreaux d’une cellule de prison.

Là où l’auteure réussit très bien son exercice de style, c’est en donnant des lettres de noblesse à la littérature. A la fois salvatrice pour cette détenue qui a perdu tout espoir en un avenir heureux, la lecture et l’écriture seront également de précieux alliés pour combattre la solitude et l’aliénation. Subrepticement l’auteure sait y inclure ses référents littéraires, Marguerite Duras et Henri Michaux en figures de proue.
Véritable tour de passe quand on connaît le décorum de ce court roman cinglant et égratignant les codes de notre société et de ceux qui la composent. 

La petite barbare dont le prénom n’est jamais cité aurait pu s’appeler comme votre voisine ou aussi bien Astrid, qui sait ?
Ce surprenant premier opus se lit comme une lettre à la poste, interpelle par sa spontanéité d’écriture et son reflet sur la vie d’une jeune femme écorchée rêvant d’amour, d’argent et de glam. Et si le Mékong n’est pas loin de cet ensemble ce n’est pas plus mal !

La petite barbare est loin d’être  un roman désopilant mais plutôt un livre qui a la rage au ventre, qui bouscule, qui égratigne un pan d’hommes.  Un bon livre qui secoue les tripes et dont sa génitrice n’utilise aucunement la langue de bois.

Pour cette rentrée littéraire  on attend au tournant la plume d’une autre jeune critique (Emily Barnett des Inrocks) qui signe également son premier roman dont on dit déjà le plus grand bien, mais il faudra désormais compter avec Astrid Manfredi dans les auteurs à lire absolument dès cette rentrée 2015.

Bonne lecture.

Bruno

 ESCARPINS

Extraits : 

« Je garde tout le temps la bouche ouverte comme une promesse. Je m’en fous de respirer, je veux mourir essoufflée. Du bruit et de la fureur, voilà ce qui germe dans le cœur de mon cœur. Cà gronde, c’est un orage qu’aucun présentateur météo ne pourra prédire où il va s’abattre. « 

« Même si à l’école j’ai toujours été à côté du chauffage, ici en prison, étudier çà m’évite le conflit avec l’horloge. J’aime ces trucs là. L’écheveau des mots pour faire des phrases qui selon ton humeur prennent des détours différents. J’aime imaginer les romanciers à leur table en train d’inventer su soleil alors qu’il pleut des cordes. Et tous ces personnages qui montent dans des trains qui se loupent s’aiment puis s’oublient. Les femmes, elles écrivent autrement, je trouve. C’est moins politique, plus réel. Ca me plaît. »

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Commentaires
T
Je note il devrait me plaire.
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