La Jouissance de Florian Zeller

10 décembre 2012

L'histoire commence là où toutes les histoires devraient finir : dans un lit. Nicolas vit depuis deux ans avec Pauline, ce n'est donc pas la première fois qu'ils se retrouvent l'un en face de l'autre et qu'elle lui fait un sourire équivoque en lui prenant la main. Ce sont des gestes qu'ils connaissent par coeur, des gestes qui peuplent le territoire des choses familières et rassurantes.
Ce jour-là, pourtant, quelque chose d'inédit se produit. Il est allongé sur le dos et Pauline, qui vient de retirer son soutien-gorge, ferme légèrement les yeux, comme elle a l'habitude de le faire quand le plaisir commence sa douce anesthésie du monde. , la couette se soulève, et une troisième tête apparaît.

Cette rentrée littéraire aura décidément était la rentrée des découvertes. Bien que La Jouissance soit le cinquième roman de Florian Zeller, je n'avais encore rien lu de ce jeune auteur.
Je dois bien avouer que c'est le titre qui m'a attiré. La Jouissance, voilà quelques lettres qui cachent bien des choses.

Le héros, Nicolas, vit depuis 2 ans avec Pauline. Et alors que ce couple semble installé dans la routine et paré pour avancer dans une "vie normale" à deux, Nicolas remet en question tout ce qui fait leur quotidien.
La trentaine et tout ce que cet âge induit lorsqu'on est en couple (maison-bébé-break-labrador) semble être un peu difficile à avaler pour Nicolas.
Il se pose alors la question suivante : Avant de passer à l'âge des obligations a-t-il suffisamment passé de temps à l'âge de la jouissance ?
Cette remise en cause personnelle aura bien évidemment des répercussions sur Pauline qui, bien qu'elle traçait sa route sans se posait de questions, va devoir également remettre son monde en cause.

"Ainsi, Pauline est passée directement de la nostalgie anachronique (à vingt ans) à l'angoisse prématurée (à trente ans) : elle se demande parfois pourquoi elle a bêtement sauté la seule étape qui mérite d'être vécue, celle de la jouissance ?"

Alors que le titre semble indiquer que Florian Zeller va traiter le sujet du couple dans ce qu'il a de plus intime, sa vie sexuelle, il va appliquer le concept de jouissance à l'ensemble des choses de la vie.
Il décrit à merveille ce que nombres individus vivent : la crise de la trentaine... Trente ans, c'est l'âge idéal. Nous sommes en pleine possession de nos facultés intellectuelles et physiques, nous sommes indépendants financièrement, normalement la carrière professionnelle est déjà bien engagée... Se pose alors LA grande question, celle qui permet de devenir socialement correct : mariage et bébé ?

Florian Zeller aborde la construction du couple de façon très particulière puisqu'il assimile celle-ci à la construction de l'Europe. Il alterne alors les chapitres sur la vie de Nicolas et Pauline avec les chapitres reprenant les grandes étapes de la construction de l'Europe.
Si, au démarrage, cela peut sembler étrange, finalement, l'alternance rend le roman beaucoup plus ludique et moins sérieux.

Bien que l'on évoque très souvent la crise de la quarantaine, celle vécut par les jeunes couples trentenaires l'est beaucoup moins. Pourtant, de nombreux trentenaires se retrouveront dans le texte de Florian Zeller.
En effet, qui n'a pas dans son entourage, un couple, qui semble idéal aux yeux de tous, qui fonde une famille et se sépare... brutalement un ou deux ans après ?

Est-ce un problème de génération ? Les trentenaires actuels sont-ils dans la jouissance permanente ? Sont-ils dans l'impossibilité de renoncer ?

Une belle écriture sert ce texte et ce sujet qui aurait pu tomber dans la banalité d'un couple qui s'unit, se construit, se remet en cause, se détruit.... Bref, le quotidien de beaucoup d'entre nous.