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29 avril 2012

Aurélien Molas, l'interview du dimanche

Cher Vous,

Comme vous êtes plus fort que tout, vous avez très certainement deviné que notre petit rendez-vous de 15 heures serait consacré au jeune auteur Aurélien Molas.

Aussi, je ne vais pas faire de long blabla et juste vous laissez le decouvrir grâce à cet interview qu'il nous a si gentiement accordé.

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 Aurélien Molas, pouvez-vous vous présenter en quelques mots à nos lecteurs qui ne vous connaissent pas encore ?

 JH. 26A. Bien sous ts rapports. Sympa. Ecrivain. Ch Lectrices pr échange sur livre et litt en général. Aime : ciné, mer, ballade. Ecr Molas S/réf  04101985

 Traduction de l’annonce : 26 ans au compteur, je suis originaire du Sud-Ouest. Après avoir fait des petits boulots durant mes études (Histoire de l’art) j’ai commencé à écrire des nouvelles. Après deux prix, j’ai tenté d’écrire un roman : La Onzième plaie, thriller urbain paru en 2010 aux éditions Albin Michel et qui vient de sortir au Livre de poche. Mon second roman me vaut l’honneur et le plaisir de cette interview, il s’intitule Les Fantômes du delta
Lorsque je n’écris pas de roman j’écris des scénarii avec mon chat sur les genoux.

Qu’est-ce qui vous a donné l’envie d’écrire ? Quels sont vos écrivains de référence ?

Je crois que ça n’a jamais été une envie, mais un véritable besoin, une nécessité. Le plaisir d’imaginer et de raconter des histoires – ce virus là m’a contaminé très jeune. Ecrire me définit et me porte vers l’horizon des possibles. Rien n’est interdit en littérature, c’est un voyage et une aventure à chaque fois renouvelée. Je vis pour la littérature, je la défends et l’aime éperdument !

On ne devient pas écrivain sans être avant tout un lecteur, c’est une certitude. Donc pour répondre précisément, c’est la lecture qui m’a nourri et poussé vers l’écriture.

Mes goûts sont éclectiques. Et mes romans sont à l’image de ces goûts !

Etant donné que je cite souvent les mêmes, je vais tenter de renouveler ma réponse. Malraux et Zola, je suis en train de les redécouvrir et avec un plaisir jouissif ! Dostoïevski m’a beaucoup marqué étant jeune, si je ne comprenais pas parfaitement l’étendue de son génie, pour autant sa prose et la puissance de ses textes m’ont  brûlé au fer rouge.

Je pourrais couvrir des pages et des pages sur les écrivains qui m’ont accompagné et qui m’accompagnent, mais pour ne pas trop m’épancher, je dirais que les auteurs qui me bouleversent sont ceux qui sont intègres dans leur démarche. J’aime qu’un auteur m’entraîne vers de nouveaux territoires, qu’il repousse pour moi les barrières de mon champ de vision.

Un écrivain se doit d’accompagner les lecteurs au-delà du miroir. La littérature est une porte vers un ailleurs. Au final, un livre n’est qu’une succession de mots qui brusquement fait naître des images, des personnages, des récits, des questions, et il y a bien quelque chose de magique dans cela ! Les écrivains que j’affectionne sont des magiciens, ils m’inspirent et me guident.

 Votre premier roman « la onzième plaie » a connu, et connaît encore grâce à sa sortie en poche, un grand succès. Vous êtes un tout jeune auteur, quelle a été votre réaction face à un tel succès ?

 Le succès, n’exagérons rien… Pour un premier roman, j’ai eu la chance de m’inscrire à ma petite échelle dans le paysage éditorial du polar. Mais tout ceci est très relatif, et surtout incertain.

Je ne saurais définir avec exactitude ce qu’est un succès : la presse ? les chiffres de vente ? la notoriété ? Toutes ces questions n’ont en réalité que peu de sens. Ce qui me réjouit réellement, c’est que La Onzième plaie m’a permis de faire des rencontres, de belles rencontres. Ce roman a été un passeur entre ma solitude et des inconnus. Brusquement des liens se sont tissés, des échanges ont commencé, et cerise sur le gâteau, j’ai pu parler de ma passion pour la littérature avec des personnes venues d’horizons différents. Le véritable enrichissement est là, et nulle part ailleurs.

 Comment avez-vous abordé l’écriture de ce deuxième roman ?

 Avec autant d’ambition et d’angoisses.

Je savais ce que je voulais, mais n’étais absolument pas convaincu d’être à la hauteur de mes objectifs. Ceci étant, j’ai toujours préféré essayer que de me poser trop de questions…

Je désirais changer de cap, tout en restant cohérent. Faire vivre une aventure inédite au lecteur, là résidait mon intention. Je voulais m’affranchir des codes du thriller ou du polar, étendre la narration au roman noir, au roman d’aventures et à la fresque.

Le sujet impliquait un roman s’étalant sur une longue période. Etant acquis que l’intrigue respecte des points clés de l’histoire récente du Nigéria, j’ai dû composer et tisser mes thématiques dans ce cadre précis.

Faire exploser les codes tout en conservant la rythmique d’un thriller fut un exercice délicat. Je ne sais pas si j’y suis parvenu, mais j’ai essayé !  

En tant que lecteur, je suis fatigué de lire des romans qui se ressemblent, des romans dont j’admire la mécanique narrative mais qui ne me racontent pas grand-chose à l’arrivée. De fait en abordant Les Fantômes je voulais m’aventurer sur d’autres terrains, m’éloigner des circuits éditoriaux et des étiquettes.  J’ai mené ce combat durant deux années : combat avec mon ambition, combat avec mon éditeur effrayé par ce virage.

J’ai pris un risque, je l’assume parce que ce risque est nécessaire quand on aime et respecte la littérature (du moins je le pense). Peut-être que je me suis planté, peut-être pas, ce n’est pas à moi de répondre à cette question…

 Les Fantômes du Delta se situe au Nigeria, un pays d’Afrique dont on parle assez peu, comment s’est imposé ce choix ?

 L’envie d’ailleurs. L’envie de voyager.

J’avais le désir d’explorer de grands espaces, des décors féériques et sauvages. Ce que j’ai vu en Afrique m’a subjugué, des paysages si grandioses que j’ai pris conscience de l’immensité et de la beauté de ce monde.

Il y avait aussi un défi : la majorité des polars que je lis ont des ambiances pluvieuses, grises, des atmosphères nocturnes et enneigées, l’urbanisme est omniprésent, anxiogène ; pour Les Fantômes, je désirais prendre le contrepied. Si le roman s’ouvre sur une scène d’orage, il évolue vers une ambiance chaude, solaire.

Comment créer la tension sous un ciel d’une pureté irréelle ? Comment faire éprouver la chaleur et les vents du désert au lecteur ?

L’envie littéraire se situait là.

Pour ce qui est du choix particulier du Nigéria, c’est un peu plus tortueux…

Ce qu’on m’avait raconté de ce pays avait éveillé ma curiosité il y a déjà quelques années. Mais c’est en lisant un article de Courrier International évoquant la situation dans le delta du Niger que le déclic s’est fait.

Je savais depuis un moment que je voulais traiter de la médecine humanitaire – en me plongeant dans l’Histoire du Nigéria j’ai découvert le cadre idéal pour un roman noir. La situation sociale, économique et écologique du Sud du Nigéria suscite l’effarement, mais contient en elle une richesse inépuisable pour un romancier.

Vous évoquez l’absence d’intérêt des médias pour ce pays, c’est peut-être aussi l’une des raisons qui m’a poussé à me lancer dans cette aventure.

C’est un véritable western qui se joue entre les populations locales, les autorités et les compagnies pétrolières ! Ce pourrait être de la fiction, cependant le drame humain qui se cache derrière tout ça est bien réel…

Le rôle possible d’un écrivain est d’évoquer ce qui le dérange, le choque, le révulse. Je souscris à cette idée tout en préférant « énoncer » que « dénoncer ».

Je sais qu’il ne faut pas forcément franchir nos frontières pour découvrir des sujets de révolte, mon premier roman en témoigne à sa toute petite échelle. Mais les luttes et les jeux de pouvoir qui gangrènent le Nigéria sont les mêmes qui touchent notre monde aujourd’hui. 

 Vous abordez le rôle des Humanitaires et placez des membres de Médecins sans Frontière dans des conditions extrêmes. Est-ce que cela s’est imposé naturellement en remplacement du traditionnel couple de policiers rencontrés dans ce genre d’histoire ?

 Je ne voulais pas d’un personnage d’enquêteur qu’il soit flic, détective ou journaliste (vous le dîtes vous-même : couple traditionnel). Chevillée au corps, j’avais l’envie d’aborder la médecine humanitaire et l’univers MSF. Ce choix a très vite impliqué des soucis de structure narrative. Il me semblait aberrant que mes personnages suivent une enquête, chassant les indices jusqu’à une résolution.

Dans de nombreux polars le métier du héros, sa vie privée et sociale, n’ont finalement que peu d’incidence sur le récit. Je ne voulais pas commettre cette erreur. Comment des toubibs MSF pouvaient-ils abandonner leur combat et leurs patients pour une simple enquête ? Ça n’a aucun sens.

En réponse à ce souci de crédibilité, j’ai imaginé une intrigue fondée sur les mouvements de l’Histoire et sur les trajectoires de chacun des protagonistes. Ce sont ces points de rencontres, tous obéissant à une logique, qui font naître le conflit, les rebondissements et le suspens…

Naïs, la petite fille qui est l’enjeu pour lequel s’affrontent les autorités et les révolutionnaires du M.E.N.D., permettait de créer ce mouvement de l’intrigue.

Voilà pour la partie purement technique !

Il y a bien entendu un autre facteur à prendre en compte : l’évolution de mes personnages au fil de l’écriture. Ce sont eux aussi qui m’ont guidé. A mi-parcours, ils avaient une plus grande emprise sur moi que moi sur eux ! 

 Une fois de plus, les enfants ont une place importante dans votre œuvre. Pouvez-vous nous en expliquer la raison ?

 L’enfance est un âge étrange sur lequel je m’interroge beaucoup. A cet âge précédant l’adolescence, on est vulnérable, exposé au monde, et c’est cette confrontation au réel qui forge les prémices de notre personnalité. J’ai un rapport à l’enfance marqué par la psychanalyse : un enfant est une véritable éponge et qu’il est sans cesse bombardé d’informations. Toutes ce qui lui arrive conditionne ce qu’il va devenir, ses choix, son éthique, le sens même de son existence. En suivant cette logique, toutes violences infligées à un enfant me choquent car ces évènements vont déterminer ce qu’il deviendra une fois adulte. Je l’ai déjà écrit dans une interview, mais à mes yeux, c’est bien pire qu’un meurtre.

Nous vous remercions de vous être plié à cet exercice, et pour finir, auriez-vous quelques mots pour nos lecteurs ?

 Plongé dans la solitude de l’écriture, perdu au milieu de territoires inconnus, je pense à ceux qui me soutiennent depuis le commencement, petites étoiles dans l’obscurité. Aujourd’hui, ce sont les lecteurs qui me poussent à ne jamais baisser les bras, à progresser, à ne jamais croire que c’est acquis.

Je mets ma peau sur la table pour mes lecteurs ! J’écris avec passion pour eux ! Parce qu’ils aiment la littérature comme je l’aime et que j’aimerai tant qu’ils voyagent à travers mes livres comme j’ai voyagé moi-même en les écrivant.

Merci de votre intérêt pour ce livre, vraiment : merci.

Merci à vous, Aurélien, d'avoir répondu à nos questions. Totalybrune et moi-même vous souhaitons tout le succès que vous méritez.

Les Fantômes du Delta, aux Editions Albin Michel, depuis Mars 2012 

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Commentaires
C
c'est un vrai bonheur que de réaliser ces petites interviews pour les partager avec vous.<br /> <br /> <br /> <br /> Et si en plus, nous t'avons convaincues de lire Aurélien Molas, c'est tout bénéf.
Répondre
M
Merci les copines de nous faire partager cet échange très intéressant. Aurélien Molas est un auteur que j'avais déjà envie de découvrir mais l'envie est encore plus forte maintenant. Il a l'air très sympathique.
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